Lors d’une petite recherche autour de la bande dessinée ‘Quai d’Orsay –
Chroniques diplomatiques’, j’ai appris que Bertrand Tavernier s’est mis à
adapter au grand écran cette histoire caricaturant les expériences faites par
le jeune diplomate Antonin Baudry embauché en tant que plume du ministre des Affaires
étrangères, Dominique de Villepin. Personnellement, j’ai trouvé la bande
dessinée très amusante. Alors, j’étais curieuse de savoir si et comment le
réalisateur a réussi de transmettre l’atmosphère grotesque de la BD dans son
film, et surtout je me suis posée la question suivante: Comment, au juste,
adapter une BD au cinéma? Dans cet article, je voudrais partager avec vous mes
impressions et vous offrir une brève comparaison.
Le film est sorti au cinéma en 2013, trois ans après la publication de la
BD. Tout comme dans la BD, les personnages principaux sont Arthur Vlaminck
représentant Baudry et Alexandre Taillard de Vorms incarnant le ministre des
Affaires étrangères et l’histoire et les caractères sont fortement inspirés de
la bande dessinée. Le réalisateur rend clairement hommage à la BD puisqu’il a choisi
des acteurs et des actrices dont la physique ressemble beaucoup à celle des
modèles. En plus, le film est en partie tourné au ministère des affaires
étrangères même et on a essayé d’adopter les prises de vues, les décors, les
perspectives tout comme les dialogues le mieux que possible. La reprise de
symboles, tel que les feuilles qui s’envolent à chaque fois que le ministre
entre une salle, s’ajoute à cela. Pour cette raison, le film paraît par
intermittence presque comme une véritable animation des dessins, même si
l’ordre des évènements et des incidents a parfois été changé, des scènes ont
été rajoutées et les chapitres portes des titres différents. Parmi les aspects
renforçant l’allusion d’être en train de tourner les pages d’une BD figure
d’une part la sonorisation inhabituelle pour un film, des onomatopées
accompagnant par exemple les gestes hectiques du ministre et le claquement des
portes, et d’autre part la musique parfois démesurément dramatique annonçant ou
soulignant des tensions ou des conflits. Autre technique cinématographique
employée qui met en relief l’aspect caricatural est l’alternance très vite
des plans : Pour visualiser l’onomatopée ‘tac, tac, tac’ du ministre, le
champ/ contre champs est utilisé et la caméra pivote à chaque mot prononcé. Et enfin,
il faut mentionner l’utilisation récurrente du zoom et de l’accélération des
mouvements de caméra imitant les traits de mouvements et le passage des yeux
d’un cadre au suivant. De temps en temps, le plan est divisé en plusieurs
parties, comme des cadres, affichant plusieurs situations à la fois. Une
critique dans Charlie Hebdo parle d’emprunts à la série télévisée dans ce
contexte.
Toutefois, en ce qui concerne les personnages principaux dans le film, Arthur et Alexandre divergent de leurs correspondants dans la BD, non seulement au niveau physique mais également en termes de traits de caractères. Thierry Lhermitte n’est pas toujours convaincant dans son rôle car il a des difficultés à imiter la surhumanité d’Alexandre Taillard de Vorms et le fait que ce personnage semble ne pas être de ce monde. Bien qu’il arrive bien à transmettre l’impatience et l'hectique du caractère qui mène à cette atmosphère particulière de stress et de chaos régnant à l’extérieur du Quai, celles-ci semblent un peu forcées et ainsi le personnage est ridiculisé davantage. En d’autres termes, comme décrit dans un article du Monde, il s’agit d’« une caricature de la caricature qui fut Villepin » donnant au film une touche « burlesque ». Malgré ses discours pathétiques, le caractère paraît plus faible, plus normal et humain que le personnage de la BD, notamment parce qu’il est présenté comme un diplomate modern, même sportif. Peut-être, le gabarit de l’acteur qui ressemble plutôt à celui du vrai ministre Villepin affaibli l’impression que la force physique d’Alexandre dans la BD est capable de répandre.
Le caractère d’Arthur (Raphaël Personnaz) semble également être adapté à la
vie moderne et aux attentes des spectateurs. Il est plus beau que son modèle et
surtout, dans son rapport avec le ministre, il prend l’initiative et la parole
plus souvent – au détriment du contraste fort entre les deux personnages dans
la BD.
Mon personnage préféré, Claude, interprété par Nils Arestrup, en revanche,
incarne parfaitement la sagesse, le calme et l’expertise du Claude dans la BD,
performance qui lui a valu le prix du meilleur acteur dans un second rôle aux
César 2014, ce qui est, d’après moi, une récompense tout à fait légitime.
En conclusion, le film pourrait peut-être décevoir les lecteurs de la BD
puisque, en comparaison, il semble un peu réajusté aux cinéphiles, en se
focalisant par exemple davantage sur les relations d’Arthur avec les femmes. Mais,
même après avoir lu la BD, la suspense est gardée grâce aux éléments narratifs
qui ont été ajoutés. En dépit de tout jugement sur la réussite d’adapter ‘Quai
d’Orsay’ au cinéma, le visionnage du film permet quand même de découvrir les
coulisses du Quai et reconstitue le quotidien des diplomates au travail d’une
manière qui fait sourire sans cesse.
Sources :
https://itti.hypotheses.org/367 (image 1)
http://www.lemondecommeilva.com/quai-d-orsay-ton-univers,262 (image 2 et 3)