Les films étudiés ce semestre sont tous les trois de véritables films cultes
du cinéma français. Bien qu’ils soient issus d’époques différentes, puissent
respectivement être considérés comme des films emblématiques de
mouvements de cinéma distincts et ne traitent pas des mêmes sujets, on note
quand même un point commun évident : Dans les trois cas, l’histoire se déroule
à Paris. Il est alors intéressant d’explorer les visages divers de la capitale que
nous montre chacun des réalisateurs. Quel rôle joue Paris dans les films et
quels sont les objectifs recherchés en représentant la ville d’une autre manière
dans chaque film?
Le plus vieux des trois films est « Les 400 Coups », réalisé par François
Truffaut en 1959. Il s’agit d’un film de la Nouvelle Vague et comme cela
convient à ce mouvement de cinéma contestataire, le film a entièrement été
tourné en décor réel, dans les vraies rues de Paris et dans des endroits
existants comme l’école d’Antoine et le petit appartement de ses parents. Tout
est en noir et blanc et les images n’ont pas été travaillées. Cela veut dire
que le film nous présente le vrai Paris de l’époque en question. Cependant,
Truffaut montre seulement certains aspects de la ville, particulièrement des
quartiers ouvriers et la Tour Eiffel. Une musique gaie commence à chaque fois
que les rues de Paris sont filmées, ce qui souligne la liberté que la capitale
incarne pour Antoine. Elle remplace sa mère absente et le ‘nourrit’, symbolisé
par le lait qu’il boit dans la rue lors d’une escapade nocturne. Dehors, les
enfants sont heureux, et cela entre en fort contraste avec le monde figé des
adultes. Le réalisateur dépeint ici une vision positive de Paris, d’une ville
qui accueille les évadés à bras ouverts, simultanément critiquant une société
trop rigide et sévère.
« La Haine », réalisé par Mathieu Kassovitz en 1995, est un très
célèbre film de banlieue. Kassovitz y oppose deux visages de la ville :
D’une part, il y a les cités où la
violence et le trafic de drogue sont à l’ordre du jour mais où les jeunes se
sentent à l’aise et libres. Paris intra-muros, en revanche, représente un idéal
inatteignable pour Saïd, Vinz et Hubert dans le film. Le réalisateur nous
montre aussi ce Paris des bourgeois et des intellectuelles dont les trois ne
font pas partie. Ce clivage rencontré est encore souligné par l’image très dure
dressée du pouvoir policier, hostile à tout ce qui est étrange. Les
affrontements entre la police et les jeunes de banlieue constituent le point
culminant de l’aliénation et de la marginalisation éprouvées par les moins
privilégiés. Pour le trio, les rue de Paris, désignant la société de concurrence
moderne, n’incarnent pas la liberté. Au contraire, la capitale rejette les
jeunes qui demeurent désillusionnés. Quand Saïd réclame « On est enfermé
dehors » à propos de ce sentiment, cela nous rappelle Antoine pour qui les
rues de Paris signifient justement tout le contraire d’un emprisonnement. Tout
comme Truffaut, Kassovitz dénonce une société qui met certaines personnes à
l’écart (en l’occurrence des immigrants, non pas des enfants). Ici, le portrait
peu accueillant, plutôt sombre, de la capitale vient souligner la critique
rude de Kassovitz. Pour mettre en relief cet effet, il a opté pour un film noir
et blanc.
Dans « Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain », réalisé par
Jean-Pierre Jeunet en 2001, le spectateur est confronté à une vision de la
ville qui diffère fortement de celles dépeintes dans les deux autres films.
Premièrement, le choix des couleurs, jaune, vert et particulièrement rouge, est
frappant. Les images lumineuses et vives rayonnent, pour ainsi dire, et sont à
l’opposé des images grises dans « La Haine », par quoi les sujets
d’empathie et d’innocence dans le film de Jeunet sont renforcés, entrant en contraste
avec la violence. Le Paris d’Amélie est le Paris de l’amour et des rêves qui
deviennent réalité. Son « fabuleux destin » constitue un conte de fée
modern qui nous éloigne du quotidien, contrairement à l’intrigue nihiliste de
« La Haine ». La perspective de Jeunet sur la ville est emprunte de nostalgie
et nous découvrons une échelle plus humaine de Paris. La ville semble ici
plutôt comme un petit village chaleureux et agréable, excluant tout anonymat. Il
s’agit d’un point de vue choisi à des fins esthétiques, d’une conception idéalisée
et basée sur des clichés afin de créer ce petit monde parfait, onirique et
fantaisiste.
En conclusion, les portraits de Paris dressés par les trois réalisateurs
sont aussi vastes et divergents que les vrais visages de la capitale. Cela est dû
au fait que chacun des réalisateurs dépeint une image individuelle de Paris
s’appuyant sur sa propre perception de la ville, mais également en fonction des
buts recherchés. Ainsi, le Paris d’Antoine constitue son refuge, Kassovitz nous
montre une vision négative de Paris, un lieu dangereux qu’il vaudrait mieux
éviter alors que le Paris magique d’Amélie nous fait vouloir vivre dans ce coin
familier de la capitale. Néanmoins, il y a aussi au moins deux convergences à
noter : Premièrement, les caractéristiques différentes attribuées à la
capitale dans chaque film font de Paris un personnage supplémentaire, occupant
une fonction précise. Deuxièmement, dans les trois cas, nous explorons le
quotidien au sein de la ville (ou bien à sa périphérie) sous les yeux de
personnes simples, issues de couches sociales inférieures. C’est leur Paris à
eux qui s’étale devant nous et il y a alors de la vérité dans chacune des
représentations. A travers ces films, nous découvrons quelques des innombrables
facettes de la capitale française. La réalité de ses habitants à l’époque de
production de chaque film s’entremêle avec la réalité subjective du réalisateur
et avec l’intention de son œuvre
d’art.
Mes sources :
https://theculturetrip.com/europe/france/paris/articles/presenting-paris-in-french-film-two-tales-of-one-city/