Sunday 9 April 2017

Quelles représentations de la ville de Paris nous offrent les films « Les 400 Coups », « La Haine » et « Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain » ?



Les films étudiés ce semestre sont tous les trois de véritables films cultes du cinéma français. Bien qu’ils soient issus d’époques différentes, puissent respectivement être considérés comme des films emblématiques de mouvements de cinéma distincts et ne traitent pas des mêmes sujets, on note quand même un point commun évident : Dans les trois cas, l’histoire se déroule à Paris. Il est alors intéressant d’explorer les visages divers de la capitale que nous montre chacun des réalisateurs. Quel rôle joue Paris dans les films et quels sont les objectifs recherchés en représentant la ville d’une autre manière dans chaque film?
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Le plus vieux des trois films est « Les 400 Coups », réalisé par François Truffaut en 1959. Il s’agit d’un film de la Nouvelle Vague et comme cela convient à ce mouvement de cinéma contestataire, le film a entièrement été tourné en décor réel, dans les vraies rues de Paris et dans des endroits existants comme l’école d’Antoine et le petit appartement de ses parents. Tout est en noir et blanc et les images n’ont pas été travaillées. Cela veut dire que le film nous présente le vrai Paris de l’époque en question. Cependant, Truffaut montre seulement certains aspects de la ville, particulièrement des quartiers ouvriers et la Tour Eiffel. Une musique gaie commence à chaque fois que les rues de Paris sont filmées, ce qui souligne la liberté que la capitale incarne pour Antoine. Elle remplace sa mère absente et le ‘nourrit’, symbolisé par le lait qu’il boit dans la rue lors d’une escapade nocturne. Dehors, les enfants sont heureux, et cela entre en fort contraste avec le monde figé des adultes. Le réalisateur dépeint ici une vision positive de Paris, d’une ville qui accueille les évadés à bras ouverts, simultanément critiquant une société trop rigide et sévère.

« La Haine », réalisé par Mathieu Kassovitz en 1995, est un très célèbre film de banlieue. Kassovitz y oppose deux visages de la ville : D’une part,  il y a les cités où la violence et le trafic de drogue sont à l’ordre du jour mais où les jeunes se sentent à l’aise et libres. Paris intra-muros, en revanche, représente un idéal inatteignable pour Saïd, Vinz et Hubert dans le film. Le réalisateur nous montre aussi ce Paris des bourgeois et des intellectuelles dont les trois ne font pas partie. Ce clivage rencontré est encore souligné par l’image très dure dressée du pouvoir policier, hostile à tout ce qui est étrange. Les affrontements entre la police et les jeunes de banlieue constituent le point culminant de l’aliénation et de la marginalisation éprouvées par les moins privilégiés. Pour le trio, les rue de Paris, désignant la société de concurrence moderne, n’incarnent pas la liberté. Au contraire, la capitale rejette les jeunes qui demeurent désillusionnés. Quand Saïd réclame « On est enfermé dehors » à propos de ce sentiment, cela nous rappelle Antoine pour qui les rues de Paris signifient justement tout le contraire d’un emprisonnement. Tout comme Truffaut, Kassovitz dénonce une société qui met certaines personnes à l’écart (en l’occurrence des immigrants, non pas des enfants). Ici, le portrait peu accueillant, plutôt sombre, de la capitale vient souligner la critique rude de Kassovitz. Pour mettre en relief cet effet, il a opté pour un film noir et blanc.


Dans « Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain », réalisé par Jean-Pierre Jeunet en 2001, le spectateur est confronté à une vision de la ville qui diffère fortement de celles dépeintes dans les deux autres films. Premièrement, le choix des couleurs, jaune, vert et particulièrement rouge, est frappant. Les images lumineuses et vives rayonnent, pour ainsi dire, et sont à l’opposé des images grises dans « La Haine », par quoi les sujets d’empathie et d’innocence dans le film de Jeunet sont renforcés, entrant en contraste avec la violence. Le Paris d’Amélie est le Paris de l’amour et des rêves qui deviennent réalité. Son « fabuleux destin » constitue un conte de fée modern qui nous éloigne du quotidien, contrairement à l’intrigue nihiliste de « La Haine ». La perspective de Jeunet sur la ville est emprunte de nostalgie et nous découvrons une échelle plus humaine de Paris. La ville semble ici plutôt comme un petit village chaleureux et agréable, excluant tout anonymat. Il s’agit d’un point de vue choisi à des fins esthétiques, d’une conception idéalisée et basée sur des clichés afin de créer ce petit monde parfait, onirique et fantaisiste. 

 

En conclusion, les portraits de Paris dressés par les trois réalisateurs sont aussi vastes et divergents que les vrais visages de la capitale. Cela est dû au fait que chacun des réalisateurs dépeint une image individuelle de Paris s’appuyant sur sa propre perception de la ville, mais également en fonction des buts recherchés. Ainsi, le Paris d’Antoine constitue son refuge, Kassovitz nous montre une vision négative de Paris, un lieu dangereux qu’il vaudrait mieux éviter alors que le Paris magique d’Amélie nous fait vouloir vivre dans ce coin familier de la capitale. Néanmoins, il y a aussi au moins deux convergences à noter : Premièrement, les caractéristiques différentes attribuées à la capitale dans chaque film font de Paris un personnage supplémentaire, occupant une fonction précise. Deuxièmement, dans les trois cas, nous explorons le quotidien au sein de la ville (ou bien à sa périphérie) sous les yeux de personnes simples, issues de couches sociales inférieures. C’est leur Paris à eux qui s’étale devant nous et il y a alors de la vérité dans chacune des représentations. A travers ces films, nous découvrons quelques des innombrables facettes de la capitale française. La réalité de ses habitants à l’époque de production de chaque film s’entremêle avec la réalité subjective du réalisateur  et avec l’intention de son œuvre d’art.  



https://theculturetrip.com/europe/france/paris/articles/presenting-paris-in-french-film-two-tales-of-one-city/